29 novembre, Agadir : retour sur la conférence sur les systèmes alimentaires territorialisés

Dimanche 01 Janvier 2017

Auteur : Kelly ROBIN et Jean-Louis RASTOIN

Les 29 et 30 novembre 2017 s’est tenue à Agadir une conférence internationale dédiée aux systèmes alimentaires territorialisés. Organisée par l’Université d’Agadir et la Chaire Unesco en alimentations du Monde de Montpellier Supagro, avec le soutien de l’IPEMED, de l’ANDZOA, de l’Agence Universitaire de la Francophonie, de la COPAG, du Conseil Régional de Souss-Massa, de Migrations et Développement et de la Chambre d’Agriculture de la Région de Souss-Massa, elle a permis de rassembler une trentaine d’intervenants et une cinquantaine de participants.      

Mais de quoi parle-t-on ?

Concept inspiré des travaux sur les systèmes productifs « localisés », les systèmes alimentaires territorialisés (SAT) désignent un « ensemble de filières agroalimentaires répondant aux critères de développement durable, localisé dans un espace géographique de dimension régionale et coordonnées par une gouvernance territoriale » (Rastoin, 2015). Réaffirmant le droit à une sécurité alimentaire et nutritionnelle, les intervenants ont en effet plaidé pour une transition vers des modèles de production, de consommation et d’échanges plus durables et inclusifs. Dans cette perspective, les SAT, en mettant en synergie les filières, les territoires et les hommes, constituent un modèle alternatif au système agroindustriel dominant et au système traditionnel ; même si de fait, ces trois systèmes continueront à co-exister.

Ont émergé des débats la nécessité de faire des produits du terroir et de la diète méditerranéenne des « biens communs », qui permettent une différenciation qualitative des pays de la région face à la concurrence internationale. Dans cette optique, les SAT assurent non seulement une meilleure santé des consommateurs et une attractivité des territoires concernés, mais constituent également un facteur de compétitivité des entreprises ou structures agricoles et agro-alimentaires engagés dans cette dynamique.

Qui ? Où ?

De fait, le développement de SAT nécessite la mise en place d’un schéma de gouvernance territorialisée, pluri-acteurs, participatif et surtout « bottom-up ». Dans cette perspective, l’échelon pertinent est sans doute la région, même s’il est nécessaire de sortir du cadre administratif pour davantage prendre en compte les facteurs agroécologiques et les bassins de vie existants, afin de délimiter les zones pertinentes pour la mise en place de SAT.

Passer des « IARD » aux SAT 

Les communications présentées ont démontré le foisonnement d’initiatives sur le terrain, parfois répertoriées sous l’acronyme IARD (Initiatives d’alimentation responsable et durable, selon la terminologie adoptée par l’association RESOLIS). Se pose alors la question de leur caractérisation et de leur valorisation et de leur nécessaire prise en compte dans l’élaboration de politiques publiques. En effet, comment changer d’échelle et agréger ces dynamiques locales en « systèmes » ?

Tout pourrait commencer par la réalisation systématique, sur chaque territoire de référence, d’un diagnostic participatif des atouts et faibles du secteur agricole et agro-alimentaire. Celui-ci mettrait également en perspective les performances du secteur par rapport à d’autres critères (disponibilité des ressources naturelles, emplois créés, etc.). Cette démarche enclenchée par les collectivités locales doit être menée en partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés (agriculteur, transformateur, consommateurs, universités, etc.) et doit permettre l’émergence et la co-construction de recommandations opérationnelles.

En parallèle, il est nécessaire de tenir compte de la façon dont les acteurs locaux s’organisent eux-mêmes : organisation en « réseaux » tel le RIAM, développement de projets pilotes (fermes pédagogiques), mise en place de labels et/ou de démarches d’appellations d’origine protégée, création de banques de semences endémiques, organisation de marchés paysans, systèmes participatifs de garantie, etc.

Enfin, dans un sens comme dans un autre, il ne peut y avoir de SAT sans démarche politique : l’organisation d’assises régionales de l’alimentation, à l’instar de ce qui avait été organisé par la Région Nord-Pas-De-Calais pourrait être dupliquée.

Dès lors, quelles priorités pour le développement de SAT en Méditerranée ?

  • Continuer l’effort de sensibilisation et de formation, tant auprès des consommateurs/citoyens que des acteurs des filières est indispensable. Dans cette optique, il a été décidé de publier, courant 2018, les actes de la conférence, qui seront disponibles en libre téléchargement sur le site de l’IPEMED.

 

  • Pour l’IPEMED, documenter l’hybridation des systèmes alimentaires traditionnels, agroindustriels et alternatifs, à partir d’études de cas est une piste d’analyse envisagée pour nourrir l’Observatoire de la coproduction, mis en place en 2015.

 

  • Enfin, il paraît utile d’approfondir certaines pistes d’études et de davantage structurer le dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés autour de sujets-clés transversaux, qu’agrègent les enjeux autour de l’alimentation et de la mise en place de SAT :

 

  • Quel rôle des oasis dans la conservation de l’agriculture patrimoniale ?
  • Quel poids peut avoir l’agro-tourisme dans le développement des SAT ?
  • Quels sont les impacts socio-économiques des SAT sur l’emploi des femmes et des jeunes ?
  • Les coopératives et l’économie sociale et solidaire peuvent-elles avoir un rôle structurant dans la transition agroalimentaire ?
  • Les transferts, notamment financiers, des migrants peuvent-ils avoir des effets pervers sur les modèles de production agricoles ?
  • Comment concilier savoirs ancestraux et innovations technologiques dans les territoires méditerranéens ?
  • La création d’un label méditerranéen pour les produits emblématiques de la diète méditerranéenne ne pourrait-elle pas permettre de fédérer l’ensemble des acteurs méditerranéens engagés dans la promotion de SAT ?
  • L’innovation organisationnelle dans la gouvernance multi-acteurs inclusive des chaines de valeurs agroalimentaires et des territoires
  • La géopolitique de la sécurité alimentaire macro-régionale « Afrique-Méditerranée-Europe »

 

Kelly ROBIN et Jean-Louis RASTOIN.

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